lundi 1 décembre 2014

Lecture du moment : Contes Fantastiques de E.T.A. Hoffmann


Je m'apprète à entamer la lecture des Contes Fantastiques d'E.T.A. Hoffmann, tome V dans son édition de 1830 contenant Mademoiselle de Scudéry, Histoire du temps de Louis XIV ainsi que Zacharias Werner. C'est la nouvelle L'Homme au sable qui a su attiser ma curiosité et qui m'a poussé à m'intéresser à l'oeuvre d'Hoffmann.

Uchronie : quelques lectures

Quelques unes de mes lectures concernant l'Uchronie.

- 1836 → Napoléon apocryphe de Geoffroy

L'auteur se prend à son propre jeu : l'uchronie comme évasion, entre passion et nostalgie. Il s'agit du premier roman entièrement uchronique que l'on connaisse. Cet ouvrage a, avec l'incontournable Uchronie de Renouvier, posé les fondement du genre. Geoffroy y retrace la vie de Napoléon et de son empire, de Moscou en flammes, à la conquête du monde et la monarchie universelle. Le point de divergence se situe donc au niveau du dénouement de la campagne de Russie qui en réalité a été un échec mais qui, dans le Napoléon apocryphe, se transforme en triomphe. Pour l'avoir lu, je le trouve très réussi et soigneusement ficelé. L'auteur mène ici une véritable réflexion sur les hypothétiques suites à donner à un triomphe de l'Empereur en Russie, avec un soucis de réalisme au niveau géographique, humain et politique.

Outre le génie de Geoffroy en tant que précurseur, cet ouvrage nous permet également de parler d'un des sujets les plus populaires dans le monde de l'uchronie et des clins d'oeil que les auteurs d'uchronies peuvent faire à l'Histoire.

- 1872 → L'Eternité par les astres d'Auguste Blanqui

L'Éternel retour ou l'uchronie mêlée à la politique. Il s'agit là d'un ouvrage très particulier, précurseur à plusieurs niveaux. Classé dans le chapitre Un texte inclassable et visionnaire dans le Panorama de l'uchronie sous toutes ses formes d'Eric Henriet, L'Éternité par les astres de Blanqui, « tente d'introduire de manière sérieuse et scientifique la pluralité des univers ainsi que l'existence d'univers parallèles uchroniques. »

L'auteur tente de théoriser l'existence de mondes et par conséquent de Terres parallèles en émettant l'hypothèse selon laquelle il y a de grandes chances pour que celles-ci ne soient pas trop différentes de la notre et que leur évolution puisse être identique à la notre sur le plan structurel tout en présentant certaines variations. Il suppose également que parmi toutes ces Terres il puisse il y en avoir une identique à la notre avec une humanité comme la notre mais qui, par ses choix et ses luttes, écrirait une histoire différente. 

« Les grands évènements de notre globe ont leur contrepartie, surtout quand la fatalité y a joué un rôle. Les Anglais ont perdu peut-être bien des fois la bataille de Waterloo sur les globes où leur adversaire n'a pas commis la bévue de Grouchy. Elle a tenu à peu. En revanche, Bonaparte ne remporte pas toujours la victoire de Marengo qui a été ici un raccroc. »

Cet extrait parle de la fatalité et du destin, appliqués aux grands événement de notre histoire. Cet ouvrage est d'autant plus intéressant qu'il traite de l'uchronie et des mondes parallèles par le biais d'un langage scientifique et d'hypothèses astronomiques comme s'il était question d'une science dont on pourrait démontrer telle considération par tel théorème. Il faut noter que cet homme, ce révolutionnaire, a rédigé cet ouvrage traitant de l'astronomie alors qu'il était en prison et qu'il lui était même interdit de regarder la mer. Au vu de ces éléments et des antécédents de Blanqui, il n'est pas étonnant de voir que son discours cache en réalité un autre discours.

1857 → Charles Renouvier invente le terme « Uchronie » avec l'ouvrage : Uchronie: l'utopie dans l'histoire.

Nous avons déjà parlé de cet ouvrage à plusieurs reprises et nous n'allons donc pas nous y attarder très longtemps. Comme nous l'avons dit, cet ouvrage représente le premier emploi du terme uchronie. Renouvier y imagine l'évolution d'un Moyen-Age résultant de la nomination d'Avidius Cassius en tant qu'empereur en 175. Il s'agit d'un récit difficilement lisible qui a vieilli, que l'auteur présente comme un manuscrit apocryphe qui lui serait parvenu. Cette oeuvre marque l'émergence d'un genre aujourd'hui en plein essor.

L'Histoire revisitée : Panorama de l'uchronie sous toutes ses formes d'Eric B. Henriet :

Cet ouvrage est, dans sa version revue et augmentée de 2004, la référence en matière d'uchronie. L'auteur, Eric B. Henriet, est d'ailleurs essentiellement connu pour ses ouvrages sur l'uchronie. Il est entre autres, l'auteur de l'Uchronie, parue en 2009 avec une préface d'Emmanuel Carrère et d'articles comme ceux publiés dans le numéro 58 de la revue Phenix sur laquelle nous reviendrons tout à l'heure. Avec près de 2000 références recensées, un historique, des définitions et des analyses, cet ouvrage est devenu ma principale source d'information. Il permet également de voir à quel point l'uchronie se développe aujourd'hui étant donné que depuis 2004, bien des oeuvres ont été produites.

- 2003 → Numéro 58 de la revue Phenix, spécial Uchronie aux Editions Naturellement.

Ce numéro spécial uchronie aura été l'ouvrage le plus difficile à dénicher. Il regroupe des articles de Jacques Van Herp, Eric B. Henriet, Dominique Warfa ou encore Bruno Peeters. Ces différents articles traitent du Steampunk, des uchronies non littéraires, des caractéristiques de l'uchronie et raisons qui poussent les auteurs à s'y intéresser. Il était judicieux de citer cette référence qui peut servir de base à des recherches plus approfondies sur l'uchronie et les oeuvres des différents auteurs ayant participé.

Ces quelques références ne représentent qu'un choix personnel lié à mes recherches et aux ouvrages ue j'ai pu consulter jusque là mais nous aurions très bien pu citer des oeuvres importantes comme :

– Le Détroit de Behring : Introduction a l'uchronie d'Emmanuel Carrère (1986)
– Le maitre du Haut château de Philip K. Dick (1962)
– Fatherland de Robert Harris (1992), sur lequel nous reviendrons tout à l'heure
– Roma Aeterna de robert Silverberg (2003)
– L'Histoire imaginaire de Jacques Van Herp (1984)
– ...

dimanche 30 novembre 2014

Retour

Voilà plus de trois ans que je n'ai pas publié un article sur ce blog. Trois années mouvementées, marquées par la fin de mon cursus universitaire et certaines désillusions. J'ai bien entendu poursuivi mes lectures et usé ma plume, mais il s'agissait pour l'essentiel de livres d'histoire, liés à un travail de recherche et de réflexion sur l'Uchronie.




Avant propos :

Féru d'histoire et de littérature, amoureux des livres et à l'écoute des dernières innovations en matière de multimédia, mon choix s'est très vite porté vers l'uchronie, ce sous-genre de la science-fiction qui me permet de parler de littérature, de nouveaux médias, de scénario et de démiurgie.

L'uchronie répond à certains codes et certaines règles d'écriture et elle témoigne d'un rapport particulier au temps et à l'histoire. L'étude de ce genre et de son évolution nous permet de parler des nouveaux supports et des nouvelles formes qui peuvent en découler. Cette étude nous permet également de voir en quoi le multimédia peut réinterroger les codes d'écriture, de scénario et de lecture. De plus, il s'agit d'une littérature et d'un genre en plein essor, une esthétique d'actualité, avec le Steampunk notamment.

Ces recherches m'ont permis de parfaire mes connaissances et de concevoir un projet multimédia qui me correspond.

L'uchronie, qu'est-ce que c'est ?

« Il s'agit donc d'utopies temporelles ou, en d'autres termes, de récits dans des temps « qui auraient pu être » mais ne sont pas ... »

Il s'agit d'engendrer un monde, un univers et par conséquent une histoire différente de la notre en partant d'une base historique commune, celle des faits avérés tels que nous les connaissons, et en modifiant un ou plusieurs éléments que l'on qualifiera de divergents ou de fondateurs. Il est donc question d'une histoire des « possibles » ou de spéculation historique. L'uchronie pure ne fait pas appel à de quelconques voyages dans le temps, l'espace ou entre des mondes parallèles, bien que ces genres puissent y être rattachés.


Vous trouverez ci-joint ma bibliographie concernant l'Uchronie et le devenir du livre. Cela pourra peut-être servir à quelqu'un.

Bibliographie :

A) L'uchronie :

Ouvrages, monographies, articles de périodiques, diplômes et documents numériques :

de BARTILLAT, Christian, Le rétro-futurisme ou la recherche d’une vraie cohérence, in Revue 3e
Millénaire, s.n., s.l., 1982, no 5

BELLAGAMBA, Ugo, Conférence ( Master 1 OEuvres et Genres, Université de Lausanne,
2010/05/29 ) Temps et Utopie en Occident, in La bibliothèque virtuelle [ en ligne ], Éditions Les
moutons électriques, 2011, no 40, p. 27

BLANQUI, Louis Auguste, L'éternité par les astres, Librairie Germer Baillière, Paris, 1872

CARRERE, Emmanuel, Le détroit de Behring, P.O.L, Paris, 1986, p.128

CONDORCET, Jean-Antoine-Nicolas de Caritat, Esquisse d'un tableau historique des progrès de
l'esprit humain, Masson et fils, Paris, 1822, p. 440

COUCHOT, Edmond, Des images, du temps et des machines dans les arts et la communication,
Éditions Jacqueline Chambon, Mercuès, 2007, p. 314

COUCHOT, Edmond, La synthèse du temps, in Cahiers du CCI, Centre de Création Industrielle.
Centre Georges Pompidou, Paris, 1989, no spécial, Les Chemins du virtuel : simulation
informatique et création industrielle, p. 117-122

GUIOT, Denis, Faire de l'uchronie, in MOUVANCE : science-fiction et pouvoir, s.n., Thionville,
1981, no 5 : Le temps, p. 77-86

HENRIET, Eric B., Pourquoi écrit-on de l'uchronie ?, in Intermédialités [ en ligne ], 2007, no 2 :
Réinventer l'Histoire : l'uchronie

HENRIET, Eric B., L'HISTOIRE REVISITEE : Panorama de l'uchronie sous toutes ses formes, 2.
ed. rev. et augm., Encrage Edition, Amiens, 2004, p. 416

HENRIET, Eric B., Une autre histoire, in Phenix, Éditions Naturellement, Paris, 2003, no 58 :
L'uchronie, p. 46-61

KANT, Emmanuel, Critique de la raison pure, Esthétique transcendantale, trad. Barni, Jules, GF-Flammarion,
Paris, 1976, p. 749

LELEU-MERVIEL, Sylvie, Structurer la conception des documents numériques grâce à la
scénistique, in Création numérique : écritures - expériences interactives, Lavoisier/Hermès Science
Publishing, Paris/Londres, 2005, p. 151-181

MORE, Thomas, Utopie, J'ai lu, Paris, 2003, p. 125 ( Librio )

MOTA, Pedro, Pour un panorama de l'uchronie en France, in Bifrost, Éditions Belial', Saint- Mammès, 2004, no 34 : Spécial uchronie, p. 152-162

RENOUVIER, Charles, UCHRONIE : L'utopie dans l'histoire – Histoire de la civilisation
européenne telle qu'elle n'a pas été, telle qu'elle aurait pu être, PyréMonde-Éditions des
régionalismes, Cressé, 2006, p. 301 ( Uchronie : l'utopie devient l'histoire )

SERVIER, Jean, Histoire de l'utopie, Éditions Gallimard, Paris, 1967, p. 376

TOUZIN, Mario, L'art de la bifurcation : dichotomie, mythomanie et uchronie dans l'oeuvre
d'Emmanuel Carrère, Mémoire : Littérature : Montréal, 2007

WARFA, Dominique, Steampunk : une uchronie à toute vapeur, in Phenix, Éditions Naturellement,
Paris, 2003, no 58 : L'uchronie, p. 77-78

WARFA, Dominique, L'uchronie comme expression ultime de la démiurgie, in Phenix, Éditions
Naturellement, Paris, 2003, no 58 : L'uchronie, p. 75-76

B) Le devenir du livre :

Ouvrages, monographies, articles de périodiques, diplômes et documents numériques :

BARTHES, Roland, The Death of the Author, Fontana, London, 1977, p. 148

DURAND, Alain, Scenario multimédia : Formalisation moléculaire pour l'écriture de scénarii de
documents multimédias, Editions Lavoisier | Document numérique, Paris, 2009, vol 12, p. 47-80

DOUEIHI, Milad, Le livre à l'heure du numérique : objet fétiche, objet de résistance, in Les Cahiers
de la librairie, Qu’est-ce qu’un livre aujourd’hui ? Pages, marges, écrans, Éditions de la
Découverte, Paris, n° 7, 2009. p. 95-103,

GIMENO, Mathias, Narration transmédia - acteurs et enjeux d'une forme de création émergente,
Mémore : Gobelins, école de l'image : Paris, 2010, p. 45

GREBERT, Pauline, Les mutations du livre et de la lecture à l'ère du numérique, Mémoire : UFR de
Lettres et Civilisation, Spécialité Métiers des bibliothèques, sous la direction d'Yves Citton :
Grenoble, 2009/2010, p.97

GUARDIOLA, Emmanuel, L’histoire que nous faisons vivre aux joueurs : la structure ludonarrative,
in Genvo (Sébastien), dir., Le game design de jeux vidéo. Approches de l’expression
vidéoludique, L’Harmattan, Paris, 2005, p. 161-174

GUENEAU, Catherine, L'interactivité : une définition introuvable, in Communication et langages,
Editions Persée, Paris, N°145, 3ème trimestre 2005, p. 117-129

JENKINS, Henry, Convergence Culture. Where Old and New Media Collide (EN), NYU Press,
New York, 2006, p. 336

LELEU-MERVIEL, Sylvie, Structurer la conception des documents numériques grâce à la
scénistique, in Création numérique : écritures - expériences interactives, Lavoisier/Hermès Science
Publishing, Paris/Londres, 2005, p. 151-181

MANOVICH, Lev, The Language of New Media, Masschusetts: The MIT Press, Cambridge,
2001, p. 394

RAYNAULD, Isabelle, Du scénario de film aux scénarios multimédias dits interactifs : étude des
pratiques d’écriture scénaristique, in Cinémas : revue d'études cinématographiques / Cinémas:
Journal of Film Studies, Montreal, 1999, vol. 9, n° 2-3, p. 147-156.

mercredi 20 juillet 2011

Lecture du moment

Voila, s'en est fini du Horla et de Maupassant, et que n'ai-je aimé cet ouvrage ! Ces écrivains et penseurs de la fin du XIXème siècle représentaient le dernier bastion d'une pensée et d'une société dans lesquelles le fantastique, le merveilleux et l'inexplicable se mêlent à la sciences sans pour autant s'y opposer. Le progrès attriste les Hommes en vidant les vieux placards, en affirmant sa rationalité et en réfutant toute fantaisie et toute croyance emprunte de mythe.

Les monstres, les fantômes, les créatures, les folies humaines inexpliquées, les terres reculées, l'inconnu, la crédulité, le courage, la mort ....


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J'en arrive à présent à mes prochaines lectures.




Ophélia

Ophelia


Un jour en Valachie , naquit une enfant, fille de la nuit, fille du sang; Ophelia, c'est ainsi qu'elle s'appelait. Cette nuit-là en Valachie, périt un amant, père d'Ophelia, fils d'Argan; quel pauvre homme il était ! La vie, la nuit est bien tourmentée dans de pareilles contrées. Il n'y a que faire, il n'y a que dire face à tant d'ombre et de noirceur, la volonté s'en trouve égrainée. Au son de la cloche le monde s'agitait, au son de la cloche tout le monde s'enfuyait. C'est ainsi qu'en Valachie, l'on maudit le crépuscule, au nom de l'effroi, au nom des mourants. Une cathédrale fut érigée, Caeleste, en l'honneur des astres, elle devait prévenir du mal et imposer la volonté de son Saint sacré. Ce fut en vain, la nuit tombée, elle s'effondra : Caeleste avait échoué. Grand monarque ou hommes de Dieu, tous furent attristés, non pas par la chute de Caeleste, mais par la futilité de leurs actes et autres serments. Le peuple se détournerait bientôt d'eux, cela ne saurait tarder, ils le savaient. La crédulité l'emportait toujours en Valachie, terre esseulée d'où fuirent les plus hardis. Comment aurait-il pu en être autrement, tant cette région regorgeait de trésors. Paysages idylliques, sol fertile, sources enivrantes, tout était gai. Mais chaque chose à un prix et toutes ces offrandes il fallait les mériter. C'est là ce que se disaient les gens par ici, de cette manière il leur était possible de tout expliquer, de tout justifier, de la naissance d'une enfant dont la vue était à jamais entravée, à la mort d'un père au cœur lourd et à l'âme vaillante. Un mal pour un bien, rien de plus, rien de moins.

Le jour où naquit, en Valachie, Ophelia la douce enfant, ce jour-là fut bénit au prix d'une vie, au prix du sang. Ce qu'est le monde pour un non voyant, aucun d'entre nous ne le sait bien que l'on puisse supposer qu'il regorge de merveilles invisibles. En effet, il devait nous cacher à nous, simples voyants, des visions fabuleuses et des recoins d'antan, sinon où aurait-elle trouvé l'inspiration nécessaire à la création de ses mélodieux enchantements. Sa musique était douce et son chant apaisant, douze années suffirent à parachever son enseignement. Sous ses plus beaux apparats, cet art de l'esprit était capable de redonner goût à la vie à ceux qui étaient prêts à l'abandonner. Ce remède, seule Ophelia pouvait l'administrer, elle disposait d'un don que jamais elle ne rechignait à employer. Quelque fusse l'instrument, il lui suffisait d'improviser, se laissant aller, guidée par les chants de la nature, et les maux disparaissaient. La belle enfant vivait pour les siens, heureuse et insouciante mais elle semblait affectée par le mal qui l'entourait et chaque nuit, alors que tout être censé se barricadait et se réfugiait loin de la noirceur, abrité à la lueur des bougies, elle, emplie de courage et bien décidée à leur venir en aide, elle s'asseyait à la fenêtre et enveloppait la nuit de ses plus beaux chants. Après tout, que pouvait-elle craindre? Ne vivait-elle pas constamment en l'absence de toute lumière? Elle n'avait que faire de la nuit, et bien qu'en Valachie les ombres aient été des plus terrifiantes, Ophelia ne les craignait pas plus qu'elle ne les voyait. Il en était ainsi pour cette fille de la nuit, perdue parmi les démons les plus craints. Des hommes tremblaient, des mères enlaçaient leurs enfants et des héros mourraient pendant qu'elle chantait face à la Lune et au néant. Elle était belle, assise à sa fenêtre, toute frêle, berçant les siens de ses chants.
Un jour malheureusement elle apprit la vérité sur la mort de son père. Ce jour-là, jour de sa naissance, alors que l'accouchement s'était déroulé sans la moindre complication, son père s'aperçut que les yeux de sa pauvre fille étaient dénués de pupilles. Paniqué et ne sachant que faire, il confia la mère et l'enfant à la sage-femme et s'en alla chercher de l'aide parmi les médecins et autres têtes pensantes de la contrée. Perdu dans la nuit, il ne revint jamais. Ophelia ne savait rien de cette histoire, son père n'étant qu'un amant, on lui avait dit qu'il était tombé sur le champ de bataille. La pauvre enfant s'en voulait. Une fille de la nuit, voilà ce qu'elle était, elle aussi avait causé la mort. La nuit suivante périt en Valachie une jeune fille non voyante partie sauver les siens en chantant, une flûte à la main.

Siegfried